Un chêne dans un jardin
Dans le petit jardin du coin, était l'ermite citadin.
Ambidextre et réfléchi, vivant surtout la nuit,
Le jour, déambulait sans rien à se soucier.
Sans cesser de parler -et de toute façon, lui seul s'écoutait-
L'ermite achetait pain, eau et pull cousu main quand arrivait le soir.
Il aimait trop le noir.
-Dit-nous, ermite, cette solitude, pourquoi?
-La réponse est "je ne sais pas".
En gardien de cimetière sa vie s'était construite. Il était nécessaire.
Mais pas plus il n'en savait de ce qu'était l'humanité.
Un immense jardin, le bruit des voitures au loin.
Les quelques rares humains qu'il croisait du soir au matin ne l'intéressaient point.
-Ermite, enfin, ce métier, pourquoi?
-La réponse est "je ne sais pas".
Puis un soir, à midi,
Un tête bien faite vint lui présenter un avis de retraite:
-Cent cinquante-deux ans. Vous devez arrêter. Laissez la place, il est grand temps.
L'ermite citadin qui, jamais, n'avait eu une retraite entre ses mains,
Senti sur lui venir un piège.
Celui d'un endroit qu'il ne connaissait pas, d'une langue qu'il ne parlait pas
Mais qui oeuvrait avec brio pour que lui, à son tour, se retrouve dans l'enclos.
-Allons bon, ermite, cette frayeur, pourquoi
-La réponse est "je ne sais pas".
Un jour plus tard, dans le matin,
L'ermite citadin creusa son propre jardin.
Il n'était pas de marbre, ni même de pierre blanche, mais de milliers de feuilles, et de lierre, et de branches.
Le gardien du cimetière était devenu chêne dont les plus hautes cimes n'entendaient plus la haine.
Au loin, était le monde des humains, qui jamais n'avait été sien.
-Ermite, alors, cette vie hors du temps, pourquoi?
-Simplement parce que je l'aimais comme ça.
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