Monde des Rêves 2.0 de Salomon Koubatsou

Monde des Rêves 2.0 de Salomon Koubatsou

Chapitre dernier

  L'aurore arrive. Même si la pollution ne permet plus d'apercevoir le ciel ou le soleil, la brume environnante s'éclaircit délicatement. J'ai marché toute la nuit en direction de l'Est le long de cette autoroute déserte.

 

   Autour de moi, d'innombrables amats d'ordures et de carcasses de voitures transforment la bande d'asphalte en une sinistre décheterie. Je n'entends pas le cri d'un seul oiseau ni le bourdonnement d'un seul insecte. Toute vie animale a été anéantie dans cette partie du monde qu'est le Refuge des humains. Même si à présent, l'humain aussi semble absent de ces lieux. A contrario, le peuple végétale a choisi d'utiliser ces no man's land puants pour proliférer. Les immondices abandonnées sur le goudron doivent en effet constituer un excellent compost car des herbes et plantes sauvages ont très vite fait surface et pris possession du sol poussiéreux.

 

   Je continue ma marche le long de la route dans la lumière naissante et le silence implacable. Ma traque est bien évidemment guidée par cet irrésistible aura noir qui s'accroche à ma cible comme elle-même s'accroche désespérément à la vie.

 

  Mais la fin de toute vie est à présent venue.

 

   Je repense aux lointaines accusations fanfaronnes de Pie: sitôt la race humaine exterminée, je mourrai également. Touché. Ce raisonnement est d'une logique imparable; mais je sais pourtant que mon destin ne peut être la mort. Ça, c'est réservé aux humains. Moi, mon Etre est et a toujours été sur la voûte, le long de l'arcade du Monde des Rêves.

 

  Je suis littéralement la mort.

 

   Dois-je réellement me soucier de ce qu'il va advenir de moi à présent? Bien sûr que non. Ma confiance aux rouages du Destin est totale. J'irai là où m'attend ma place. Tout ce qui m'importe, c'est la réussite de ma mission. Rien ne peux m'en détourner.

 

   La brume noire s'intensifie jusqu'à voiler totalement ma vision. J'avance à l'aveuglette avec une confiance à toute épreuve. Je laisse sans le moindre doute mes pas me conduire jusqu'à lui, le dernier humain. Le brouillard est incapable de me le dissimuler.

 

  Je ferme les yeux et laisse mon esprit prendre de l'avance sur mon corps.

 

  Par la pensée, je vole au dessus des tas de planches de bois, des montagnes d'emballages de kebab, des kilomètres de câbles reliés à divers écrans et appareils inanimés, et parcours les odeurs de pourriture, d'excrément et d'humidité.

 

  Ainsi finit cette damnée humanité.

 

   Je continue d'explorer chaque recoin du squat de fortune. Tout est moisi, entre autres à cause des pluies acides qui tombent fréquement dans la région. L'air est lourd, pesant. Il est chargé de poussière mais l'on parvient tout de même à y distinguer les discrètes senteurs rugueuses des sapins jaunis qui bordent la route. Une dernière marque de la Nature. Un dernier chant qui enveloppe l'ultime habitat de ces créatures maudites qui n'auront connu que la souffrance et la haine au milieu d'une terre où régnait jadis l'harmonie. Ce chant si doux qui m'accompagne, qui guide ce dernier assassinat, qui sera aux côté de ma cible quand celle-ci trépassera.

 

  Mes paupières sont toujours closes. Je le devine face à moi, à une demi-douzaine de mètre. Le tout dernier.

 

  J'avance le plus silencieusement possible, mon corps survolant plus le sol qu'il ne le frôle. Je sens son crâne rasé, sa peau distendue pleine de boutons et d'infections, ses dents noires et ses yeux cernés.

 

  Il reste immobile, debout dans la brume, au milieu du noir. Il m'attends.

 

 

 

 

 

  Je bande mes muscles

 

 

 

 

 

 

  saute à sa gorge

 

 

 

 

 

 

 

 

  et mes dents s'enfoncent dans sa jugulaire.

 

 

 

 

 

 

Fin

 

 

 

 



25/08/2018
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