Chapitre 4: Rémi
Il s'appelle Rémi. Rémi Dellan. Je l'ai trouvé il y a un mois dans un petit appartement. Je m'en souviens parfaitement, il était affalé sur le matelas qui lui servait de lit, son regard bleu se perdant dans le néant. Ses cheveux fins arborait une amusante couleur paille tirant sur le gris qui me plaisait particulièrement. Sa peau était pâle. Et tirée. Et pâle.
Les humains partent souvent du principe que tous devraient aimer la vie. Erreur. Certains n'y parviennent pas, certains ne ressentent qu'incompréhension devant cette chose si complexe et si injuste qu'est l'existence.
Pas tout-à-fait vivants mais pas tout-à-fait morts.
Et mon but et justement de tester leur volonté de rester sur Terre. Ceux sont tous des cibles potentielles et je dois m'assurer qu'un maximum d'entre eux deviennent des cadavres à part entière. Pour le bien des rouages du Temps, tous doivent devenir vivants ou mort.
Ça, c'est mon travail théorique en temps qu'Assassin. Mais dans les faits, la jouissance procurée à hypnotiser tous ces humains, à les tourmenter jusqu'à la folie et à les amener par la main vers la corde, est tout simplement incomparable. Impossible de ne pas y prendre un plaisir sauvage.
Une décharge de pure excitation m'avait d'ailleurs parcouru le corps tandis que j'avais approché ma bouche de sa tête dans un silence glacial. Je soufflais sur sa tempe droite. Une brume noire translucide s'était aussitôt échappée de mes lèvres pour venir heurter sa peau blanche. Traversé d'un frisson, Rémi s'était à moitié levé et, tournant la tête dans ma direction, avait écarquillé les yeux d'une terreur sans nom sans toutefois oser faire le moindre autre geste. Avec un sourire bienveillant, j'avais posé ma main sur son torse à l'endroit où son coeur battait la chamade, pendant que la brume noire qui s'était épaissie, nous enveloppait tous les deux comme un sombre voile.
L'esprit grisé, j'avais caressé du bout des doigts son visage, sentant que sa peur le quittait progressivement à mesure que se prolongeait le contact de nos corps, si ténu soit-il. Partagé entre la jouissance et la répulsion, Rémi avait fermé les yeux dans une grimaçe de dégoût mais je ne pouvais que constater que le reste des muscles de son corps commençait à se détendre. Malgrès cela, je sentis ses bras tenter de me repousser. Sans succès, bien sûr.
Haletant, il s'était ensuite replié sur lui-même, la tête dans les genoux, entourée de ses bras; comme si me soustraire à sa vue avait le pouvoir de me faire réellement disparaître, comme un cauchemar qui ne dépend que de l'attention qu'on lui porte.
Je n'avais pas pu retenir un rire devant l'absurdité de ce geste. Touchante naïveté humaine... puis, tout en caressant ses cheveux blonds, j'avais murmuré avec douceur:
"Allons mon Rémi, ne me reconnais-tu pas? Pourtant dans ton esprit, mon nom semble être bien connu. Tu as besoin de moi Rémi. Je ne cherche pas à te nuire, mais simplement à te tenir compagnie"
Il avait alors relevé la tête et pâteusement soutenu mon regard. Dans le sien se lisait une volonté de me résister, de me prouver que je ne pourrais rien faire contre lui, qu'il était plus vivant que jamais. Mais ce message se contredisait avec toute cette buée que je voyais stagner dans ses yeux bleus comme un brouillard. La volonté de vivre était devenue pour lui, une idée abstraite qui semblait n'avoir plus ni queue ni tête.
-Je sais ta douleur, petit humain, avais-je continué en prenant sa tête entre mes longs doigts. Je vois ta peur, tes doutes. La vie ne peut plaire à tout le monde. Songe que peut-être, Après, tu serais plus heureux. Songe que rien ne t'empêche de rester si tu souhaite t'en aller. Je ne suis là que pour t'aider à trouver le bonheur, petit humain au coeur desséché.
Tout en parlant, mes mains avaient lentement glissé de son visage pour venir caresser son cou et s'enfoncer lentement dans les profondeurs de son T-shirt. Plus bas, toujours plus bas... Jusqu'à l'entourer totalement de mes bras, tout contre moi. Rémi tenta de s'arracher à cette étreinte:
-Je n'ai jamais eu besoin de toi. Je vais bien. Maintenant, lâche. Lâche. Lâche-moi.
Mais toute conviction avait quitté sa voix et je ne tenais plus contre moi qu'un pantin à l'âme enivrée et enivrante de cette délicieuse brume noire qui tournoyait gracieusement autour de nos deux corps enlacés.
Le gros de mon travail était à présent fait et je ne pouvais m'attarder plus longtemps. Le Temps allait se charger de l'entraîner vers moi. Alors, après avoir desséré mon étreinte, j'empoignais la main gauche de Rémi, plongeais la mienne dans ma poche et en ressortit une bague sertie d'un onyx rutilant. Je la lui passa à l'annulaire, puis, après avoir furtivement déposé un baiser sur ses lèvres gerçées, j'avais rejoint la seule fenêtre de la pièce, enjambé le rebords et sauté, non sans avoir tourné une dernière fois la tête vers ma cible toute fraîche et lui avoir lançé:
-A très bientôt, Rémi Dellan!
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